Témérité, courage, hardiesse et pugnacité ne sont que quelques qualificatifs qui me viennent à l’esprit lorsque l’on imagine ces premiers habitants du pays parcourir des centaines voir des milliers de kilomètres en raquettes, en plein hiver, avec tous les obstacles naturels ou humains que comportaient ces voyages.
« Ad Majorem Dei Gloriam » (pour la plus grande gloire de Dieu) tel était le leitmotiv (sic !) des Jésuites, ces guerriers de Dieu. Car il fallait être drôlement motivé pour entreprendre des expéditions semblables afin d’aller évangéliser les Sauvages. les Le Jeune Dequen, Albanel et autres Druillettes devaient être si illuminés qu’ils réussissaient à trouver la force nécessaire à leur œuvre de prosélytes. Car, ne l’oublions pas, si le Jésuite est allé à la rencontre de l’Autre, c’est pour le ramener à Soi, pour le convertir.
Au delà des faits historiques contenus dans cet ouvrage, il en ressort aussi, et il est fondamental de le noter, une étroite collaboration entre les autochtones et les Français ; collaboration le plus souvent unilatérale c’est-à-dire de l’Indien vers le Blanc. Est-il besoin de rappeler l’invisibilité chronique des nations amérindiennes dans nos manuels d’histoire ! Pourtant, sans l’aide d’un Chomine (dit le Montagnais), Champlain n’aurait jamais survécu au siège de Québec en 1629 par les frères Kirke. Et ce sont ces mêmes Innus qui traceront ce sentier que l’on nommera Le sentier des Jésuites mais qui est aussi, en réalité, Le maître-sentier des Innus-Montagnais, également utilisé par les Hurons-Wendats. En ce sens, Lefebvre sait rendre hommage, à juste titre, aux premiers habitants.
S’il est certain que cet ouvrage fascinera au plus haut point les gens de la région, il saura aussi rejoindre un plus large public curieux d,en savoir plus sur la distribution géogrpahique des autochtones lors de la période de contact de même que leur mode de vie qui a su résister jusqu’à la fin du XIXe siècle. Personnellement, je passe deux fois par jour près de la Grosse Roche du petit lac Logan, je ne peux m’empêcher d’imaginer la réaction de cet Innu qui voit pour la première fois un…cheval!
Travail d’un érudition colossale, l’oeuvre de Louis Lefebvre comble un besoin essentiel en ce qui a trait à la connaissance de l’occupation et de l’utilisation du territoire et nous invite à entreprendre au plus vite ce « Compostelle nordique ».
Sylvain Marcotte
Anthropologue et résident de Tewkesbury