Des sorcières au Québec?

Rédaction : Vanessa Toupin-Lavallée

La figure de la sorcière moderne s’est imposée comme un symbole culturel majeur, intrinsèquement lié aux luttes féministes. Alors qu’à la fin du XIXe siècle, les réminiscences des chasses aux sorcières se tarissaient, cette figure s’est progressivement transformée en un emblème positif au sein de la culture occidentale contemporaine. Elle fut récupérée par les premières vagues du féminisme, notamment par la suffragette américaine Matilda Joslyn Gage (1826-1898). Le début du XXe siècle a ainsi marqué une réhabilitation de l’image de la sorcière, inscrivant cette dernière dans un imaginaire collectif reliant les sorcières de la Renaissance à des traditions païennes plus anciennes.

La sorcellerie moderne émerge dans les années 1950 en Angleterre, avant de connaître une diffusion croissante aux États-Unis, pour finalement atteindre le Québec dans les années 1980. La Wicca, une forme spécifique de sorcellerie qui combine spiritualité néo-païenne et pratiques magiques, y devient particulièrement influente. Malgré la diversité des affiliations religieuses parmi les personnes qui se réclament de la sorcellerie, et même l’absence de religion pour certaines, la Wicca demeure la pratique la plus largement répandue au Québec.

Aujourd’hui, la sorcière s’affirme principalement comme une figure de femme indépendante et autonome, dont l’identité reste intimement liée aux revendications féministes. Au Québec, les sorcières incarnent des figures plurielles, accordant une attention particulière à la nature et aux cycles naturels, en résonance avec les préoccupations écologiques contemporaines.

Publication le 31 octobre 2024.

Autel sorcière contemporain

Références:

  • Alexandre Duceppe-Lenoir, Neowicca: Ceremonial Magical Ritual in Contemporary, Québec. Mémoire de maîtrise, Université Mcgill, 2023.
  • Per Faxneld, Witches as Rebels against Patriarchy, Satanic Feminism: Lucifer as the Liberator of Woman in Nineteenth-Century Culture. New-York, 2017.
  • Mireille Gagnon, Évolution culturelle et institutionnalisation de la Wicca au Québec de 1990 à 2010. Thèse doctorale, Université Laval, 2013.
  • Maxime Gelly-Perbellini, « Comment les sorcières sont devenues des icônes féministes’ ». The conversation, 30 octobre 2023. 

XIXème siècle

Joséphine Marchand (1861-1925)

Rédaction :

Joséphine Marchand nait le 5 décembre 1861 à Saint-Jean-sur-Richelieu dans une famille de onze enfants. Son père étant Félix-Gabriel Marchand, premier ministre du Québec entre 1897 et 1901, elle baigne dans l’univers politique dès l’enfance. Elle bénéficie également d’une éducation littéraire et culturelle hors du commun grâce aux influences de ses parents. En 1886, elle se marie avec l’homme politique, futur sénateur et avocat Raoul Dandurand.

Engagée, elle fonde en 1893 la première revue destinée à un public féminin au Québec, Au coin du feu. L’objectif de la revue est de contribuer, par l’éducation, à l’émancipation intellectuelle des femmes. Elle y signe plusieurs articles chroniques, tout comme ses contemporaines Robertine Barry et Marie Lacoste Gérin-Lajoie. Toujours dans les années 1890, elle fonde l’Œuvre des livres gratuits, soit une organisation qui encourage l’alphabétisation dans les milieux défavorisés par l’expédition de livres dans des localités dépourvus de bibliothèques publiques. Sa contribution littéraire pour la culture française est telle que la France lui décerne le titre d’« officier d’académie » en 1898, une première pour une Canadienne.

Son implication pour la cause féministe la mène au sein du Conseil national des femmes du Canada, où elle prononce plusieurs conférences sur les droits des femmes. En 1900, elle est désignée comme commissaire représentant le gouvernement canadien pour le Congrès international des femmes lors de l’Exposition universelle de Paris. En plus de participer à la fondation de différentes associations féminines, elle occupe le poste de vice-présidente provinciale du National Council of Women en 1912 et en 1913 et de 1917 à 1919. Elle décède le 2 mars 1925.

Joséphine Marchand a passé son enfance et le début de sa vie adulte dans cette maison de style second Empire que son père a fait bâtir en 1869 à Saint-Jean-sur-Richelieu et qui existe encore de nos jours. Photo : Joëlle Thérien, comité Mémoire des femmes.

Publication le 30 mars 2023.

Joséphine Marchand, [Vers 1880], BAnQ Québec, Fonds J. E. Livernois Ltée, (03Q,P560,S2,D1,P216), J.E. Livernois Photo. Québec.

Irène Joly (1875-1967)

Rédaction : Louise Langevin, Société d’histoire et de généalogie de Belœil—Mont-Saint-Hilaire

Irène Joly est née à Montréal de parents français. Elle étudie au collège de Ste-Anne de Lachine puis au Montreal Business College. Elle va étudier à Paris à l’Institut sténographique de France où elle obtient son diplôme supérieur et ses brevets d’enseignement. À son retour, elle fonde un Institut sténographique de France à Montréal.

Tout en poursuivant une carrière d’enseignante ses activités sur la scène publique la mèneront vers l’action féministe.

En 1925, elle fonde la Ligue des femmes propriétaires luttant pour l’obtention du droit de vote pour les femmes mariées propriétaires à Montréal.

En effet, jusqu’en 1892 la ville de Montréal avait octroyé le suffrage aux femmes propriétaires mais seulement si elles étaient veuves ou célibataires, puis aux locataires en 1899.

En 1929 les montréalaises mariées sous le régime de la communauté de biens ou de la séparation qui paient des taxes municipales obtiendront le droit de vote.

Irène Joly dans son plaidoyer devant la commission pour la réforme du code civil en 1929, au nom de l’association des femmes propriétaires de Montréal estime «également que l’homme et la femme sont égaux dans leur différence. Pourquoi ne pas mettre au profit de la communauté les qualités différentes des deux époux. Si la femme est de compétence reconnue et a liberté absolue dans sa vie financière alors qu’elle est célibataire ; si la même condition lui est créée quand elle devient veuve, pourquoi devient-elle incapable quand elle adopte l’état du mariage et qu’elle est forcée par la loi à subir la décision du mari.»

Le 14 janvier 1932, l’adoption de l’Art. 6 du bill de Montréal permettra aux femmes mariées et propriétaires de Montréal d’avoir le droit de vote sur la scène municipale. Enfin ces décisions seront suivies par d’autres en 1934 où les femmes mariées pourront désormais ouvrir à leur nom un compte bancaire.

Depuis le 4 septembre 1991, une rue porte son nom à Montréal.

Publication le 8 mars 2024.

Références:

  • Irène Joly, Plaidoyer devant la Commission pour la réforme du code civil en 1929 rapporté dans La Bonne Parole, 1930 p 12-13
  • Suzanne Lavigne, Ces femmes qui ont bâti Montréal, Éditions du Remue-ménage, 1992- Irène Joly. 

Idola Saint-Jean (1879-1945)

Rédaction :

Idola Saint-Jean (1879-1945) est une des figures militantes les plus connues du féminisme au Québec. Née dans un milieu bourgeois de Montréal, elle suit une formation pour devenir comédienne. Elle gagne également sa vie en enseignant la diction et l’élocution au Monument national. Suite au décès subit de son père en 1899, elle devient le soutien financier de sa famille, en enseignant dans plusieurs institutions d’éducation montréalaises. Plus tard, elle sera professeure de français à l’Université McGill.

Son engagement militant commence pour l’obtention du droit de vote des femmes. Les Canadiennes ayant obtenu le droit de vote au fédéral en 1918, le Québec est perçu comme rétrograde quand la province est la seule au Canada à ne pas accorder ce droit à ses citoyennes, au niveau provincial.

Les opposants au droit de vote des femmes font valoir que les femmes doivent rester dans la sphère privée, à la maison, et ne pas s’occuper de politique; sinon, elles nuiraient à l’équilibre précaire entre les sexes. Ils disent également que l’opposition au droit de vote des femmes est caractéristique de la divergence du nationalisme canadien français. Idola réfute ces arguments.

En 1922, elle co-fonde le Comité provincial pour le suffrage féminin en compagnie d’autres femmes militantes. Une délégation d’environ 500 d’entre elles se rend à Québec pour rencontrer le Premier ministre Taschereau pour revendiquer le suffrage féminin. Taschereau les éconduit. En 1927, Idola fonde une organisation qui se sépare du Comité provincial. Elle la nomme l’Alliance canadienne pour le vote des femmes du Québec. L’Alliance se consacre surtout aux femmes des classes ouvrières et populaires, alors que le reste du Comité provincial devient, sous l’égide de Thérèse Casgrain, la Ligue des droits de la femme, et se consacre aux femmes de l’élite bourgeoise. Les deux organisations continuent de collaborer pour atteindre leurs objectifs communs.

En 1930, Idola se présente comme candidate libérale indépendante aux élections; elle devient la première femme québécoise candidate à une élection fédérale. Sachant qu’elle ne serait pas élue, elle profite de la médiatisation pour promouvoir ses idées. Elle recueille 3 000 votes.

Elle continue son militantisme au cours des années 1930, en faisant des allocutions, en publiant de nombreux écrits et en faisant d’autres interventions médiatiques.

Finalement, le droit de vote sera accordé aux femmes québécoises en 1940, et celles-ci votent pour la première fois aux élections provinciales de 1944. Idola ira exercer son droit de vote, mais mourra subitement quelques mois plus tard. En 2012, près de l’Assemblée nationale du Québec, un monument a été érigé en son honneur et celui de d’autres femmes militantes. Idola a finalement été reconnue personnage historique national du Québec en 2019.

« Idola St-Jean (au centre) avec des suffragettes du Québec, 1922 », dans « La loi accordant le droit de vote aux femmes », Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, <http://www.ameriquefrancaise.org/…/La_loi_accordant_le…>.

Publication le 16 mars 2023.

Idola Saint-Jean, Bibliothèque et Archives du Canada (domaine public), vers 1940-1945, No d’identification 3232419, <https://recherche-collection-search.bac-lac.gc.ca/…/not…>.

Références:

Alphonsine Nantel (1884-1966)

Rédaction :

Née à Saint-Jérôme en 1884, Alphonsine Nantel s’installe à Montréal à l’âge de 19 ans. Elle débute sa carrière de journaliste en empruntant divers noms de plume, une pratique fréquente à l’époque. Elle fait ses premières armes dans La Nation dès 1901, le journal de son oncle et parrain Guillaume-Alphonse Nantel. Trois ans plus tard, ses chroniques sont publiées dans plusieurs journaux pour lesquels elle rédige de courts récits critiquant avec ironie la vie mondaine montréalaise. Elle abordera aussi des sujets plus sérieux relatifs au féminisme et à l’éducation. Même si elle prend rarement position en matière de politique, elle critique vivement le manque d’investissement dans le domaine de l’éducation primaire. Elle se positionne en faveur du suffrage féminin, mais sa vision des rôles sociaux est conservatrice de sorte que l’on peut la qualifier de féministe maternaliste. En effet, après avoir voyagé en Europe, elle critique les méthodes et les idées des féministes anglaises dont elle ne partage pas entièrement le point de vue relatif à la place des femmes dans la société.

En 1911, elle déménage à Paris où, tout en poursuivant sa collaboration avec des journaux montréalais dans lesquels elle raconte l’effervescence de la vie culturelle parisienne, elle obtient un poste de publiciste au bureau du Commissariat du Canada. Elle demeure dans la capitale française durant la Première Guerre mondiale où elle épouse un commissaire de police. Devenue journaliste indépendante, elle collabore avec des journaux européens et publiera un roman autobiographique en 1947. Elle meurt en 1966 à Saint-Tropez où elle vivait depuis 1930 avec son mari.

En 1933 à Saint-Tropez. Photos de Louise Alphonsine Nantel gracieuseté de Dominique Bergeron (Fonds Nantel-Bergeron)

Publication le 31 août 2023.

En 1917 à Paris (Alphonsine est à gauche) Photos de Louise Alphonsine Nantel gracieuseté de Dominique Bergeron (Fonds Nantel-Bergeron)

Références:

Dominique Nantel Bergeron et Andrée Lévesque, « Louise Alphonsine Nantel, journaliste au tournant du XXe siècle », Histoire sociale/Social history, Volume 50, Numéro/Number 102, Novembre/November, 2017, pp. 315-341. En ligne : https://doi.org/10.1353/his.2017.0038

Vers 1906, studio Dupras & Colas. Photos de Louise Alphonsine Nantel gracieuseté de Dominique Bergeron (Fonds Nantel-Bergeron)

Pauline Vanier (1898-1991)

Rédaction :

Pauline Archer nait en 1898 à Montréal. Ayant une soif de connaissance et désirant aider son prochain, elle est attirée, dès son jeune âge, par la vie religieuse et rêve de devenir missionnaire dans l’Arctique. Sa vie prend cependant un autre tournant lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914. Formée comme infirmière à 19 ans, elle devient alors bénévole pour la Croix-Rouge dans un hôpital militaire.

Épousant Georges Vanier en 1921, le couple s’installe quelques années plus tard, en Europe, où Pauline Vanier accompagne son mari, qui exerce ses fonctions de diplomate et de Haut-commissaire canadien. Elle s’implique alors dans différentes causes sociales. Devant fuir à Londres avec ses enfants durant la Deuxième Guerre mondiale, elle s’engage, à son retour à Paris en 1944, à aider les réfugiés. Son dévouement et sa bonté lui valent la Légion d’honneur donnée par le gouvernement français, soulignant ainsi ses actions bienveillantes. Elle milite également, avec son mari, afin que les lois régissant l’immigration soient modifiées. Grâce à cette réforme, 186 000 réfugiés européens immigrent au Canada entre 1947 et 1953.

À leur retour au Canada, à la fin des années 1950, elle multiplie les engagements et voyage à travers le pays. En 1965, elle et George fondent l’Institut Vanier, organisme se vouant à la recherche et au bien-être des familles canadiennes. La même année, elle devient la première femme laïque à être nommée chancelière à l’Université d’Ottawa

À la mort de son mari en 1967, Pauline Vanier retourne vivre à Montréal et poursuit son engagement social. Elle quitte pour la France dans les années 1970, où elle s’implique auprès des personnes vivant avec une déficience intellectuelle dans la communauté de l’Arche, créée par son fils dans les années 1960.

Jusqu’à son décès, en 1991, Pauline Vanier s’est engagée à promouvoir l’égalité et le bien-être de tous.

Publication le 20 avril 2023.

Photographie de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, https://numerique.banq.qc.ca/patrim…/details/52327/4041855

Références:

XXème siècle

L’Association des Demoiselles de magasins (1906-1960)

Rédaction :

L’Association des Demoiselles de magasins est fondée par une mademoiselle Gervais et Marie-Anne Laporte en 1906. Elle prendra son indépendance vis-à-vis de la Société nationale Saint-Jean Baptiste en 1909.

Marie-Anne Laporte, née le 11 octobre 1871 et décédée le 26 novembre 1929, a d’abord commencé à travailler dans une manufacture de coton puis comme commis dans un magasin de détail vers 1897. Dès 1910, elle s’intéresse aux conditions des droits féminins d’abord à la SNSJB puis à l’Association des demoiselles de magasins où elle sera vice-présidente vers 1916 et présidente en 1923. L’association prendra le nom de l’Association professionnelle des employées de magasins et sera incorporée conformément à l’article 72-33 des Statuts Refondus de la province de Québec le 28 janvier 1920.

L’APEM offrira des formations tant au développement intellectuel et moral des employées que la défense de leurs intérêts professionnels. Entre autres une caisse de secours, en cas de maladie, permettra de bénéficier de soins médicaux gratuits et d’indemnités et un bureau de placement sera mis sur pied en 1927. Des cours en relation avec leur emploi leurs seront prodigués tel que des cours de langue française et anglaise ainsi que de comptabilité. Un cours sera inauguré dans le but de former des vendeuses et des acheteuses compétentes. En 1917, l’APEM accueillera les employées d’ateliers de couture.

L’APEM voit à faire respecter la loi dite « la loi des sièges » adoptée en 1908 à ce que des sièges soient à la disposition des employées en arrière des comptoirs et le droit de se reposer pendant les moments de répit. La loi du salaire minimum leur sera enfin appliquée en 1934. Entre 1906 et 1921, l’APEM comptera 973 membres et poursuivra ses activités jusqu’en 1960.

À son décès, on rend hommage à Marie-Anne Laporte pour « avoir amélioré le sort de celles qui gagnent leur vie comme elle gagnait la sienne ».

Publication le 9 avril 2024.

Références:

Madeleine Parent (1918-2012)

Rédaction :

Madeleine Parent est une militante syndicale, une militante féministe, ainsi que pour les droits des femmes autochtones et des femmes immigrantes. Née à Montréal, elle grandit dans une famille de la classe moyenne. Éduquée dans d’excellentes écoles, elle choisit un parcours scolaire anglophone après qu’elle ait été témoin des injustices commises par les religieuses du couvent Villa Maria envers leurs servantes, qui avaient le même âge que les élèves.

Par la suite, Madeleine choisit de poursuivre sa formation à l’Université McGill, en sociologie, de 1936 à 1940. Elle s’implique dans le mouvement étudiant Canadian Student Assembly, pour offrir des bourses d’étude aux étudiants provenant d’un milieu défavorisé. À cette époque, Madeleine rencontre Léa Roback, qui la convainc de militer dans l’action syndicale. C’est d’ailleurs le but qu’elle choisit de poursuivre, une fois son diplôme obtenu.

Étant une rare femme dans un milieu d’hommes, souvent machiste, Madeleine sait s’imposer avec son tact, sa douceur et son humour. Avec son partenaire de vie, le syndicaliste Kent Rowley, elle organise les ouvriers de l’industrie du textile, dans les années 1940, alors que la Deuxième Guerre mondiale faisait rage et que les propriétaires d’usines de textile faisaient des affaires d’or avec les contrats des gouvernements.

Leur combat pour de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire continue après la guerre. Selon l’historienne Denyse Baillargeon, le rapport Turgeon de 1936 constatait qu’à la manufacture Dominion Textile, par exemple, la semaine de travail variait entre 55 et 60 heures, les ouvriers étaient payés entre 11 et 15 dollars la semaine contrairement à 20 dollars ailleurs. La température atteignait 35 °C dans l’usine, avec une forte humidité, des machines bruyantes, et peu d’aération ou d’installations sanitaires. La situation n’ayant guère changé après la guerre, les ouvriers revendiquent leurs droits et plusieurs déclenchent la grève. Madeleine participe aux grèves de Saint-Henri, d’Hochelaga et de Valleyfield, en 1946, et celle de la compagnie Ayers de Lachute, en 1947. À quelques reprises, Madeleine et Kent Rowley se feront arrêter par la police, sous l’ordre du Premier Ministre antisyndicaliste Maurice Duplessis, en prétextant que leur grève est illégale et qu’ils influencent les ouvriers à se révolter. Dans le contexte du début de la guerre froide, les patrons des usines, avec la complicité de Duplessis, font passer Madeleine pour une communiste de la Russie qui aurait débarqué en Gaspésie pendant la guerre, tout ça pour la discréditer aux yeux des ouvriers. Quelquefois, Madeleine, Kent et leurs alliés gagnaient leur bataille pour les travailleurs, d’autres fois non. Dans les années 1950, elle et Kent seront expulsés de leur syndicat sous la pression de la centrale américaine, qui les perçoit comme trop à gauche. Le couple se réfugiera en Ontario, d’où il continuera sa lutte syndicale pour défendre les ouvriers de plusieurs industries partout au Canada. Madeleine reviendra au Québec en 1978, après le décès de Kent. Même après sa retraite, elle continuera à militer pour le droit des femmes, dont les femmes autochtones et les femmes immigrantes, pour qu’elles soient reconnues au même titre que toutes les autres. Madeleine décède en 2012 à l’âge de 93 ans.

Publication le 20 avril 2023.

Madeleine Parent lors de la fête du 1er mai, Bibliothèque et archives nationales du Canada, No d’identification :3257043, <https://recherche-collection-search.bac-lac.gc.ca/…/Rec…>.

Références:

Simonne Monet-Chartrand (1919-1993)

Rédaction : Louise Langevin, Société d’histoire et de généalogie de Belœil—Mont-Saint-Hilaire

Issue d’une famille bourgeoise catholique, fille et petite-fille de juges et députés, Simonne Monet prend très tôt conscience des inégalités sociales et des restrictions imposées aux femmes de son époque. Dans son autobiographie (1981) « Ma vie comme rivière », elle relate son enfance heureuse et ses vacances au bord du Richelieu. Ses années au pensionnat lui font réaliser ses privilèges interdits à ses compagnes des milieux populaires. Dès 1937 à la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) elle rencontre Michel Chartrand qu’elle épousera en 1942. En 1940, elle se joint au Bloc Populaire pacifiste et anti conscription tout en suivant des cours d’histoire et littérature à l’université. En 1939, féministe révoltée devant l’interdiction du vote des femmes, elle cofondera plus tard la Voix des femmes (1960), la Fédération des femmes du Québec (FFQ, 1966) et l’Institut Simone de Beauvoir  de l’Université Concordia (1978). En 1968 elle soumet un mémoire à la Commission d’enquête sur la condition de la femme au Canada et publiera par la suite dans des revues féministes. En 1949, elle organise des comités de soutien aux familles des grévistes de l’amiante à Asbestos. Elle devient membre du comité socio-politique de la CEQ, directrice de l’information pour le Syndicat des enseignants de Champlain et, en 1977, directrice adjointe de la Ligue des droits et libertés, Tout en élevant ses 7 enfants, entre 1950 et 1960 elle conjugue vie familiale et engagement dans l’Union des familles de Longueuil et des associations de familles et de coopératives. Conférencière appréciée partout, elle publie son autobiographie (1981 à 1994) sur les organisations féminines pionnières et sur le mouvement pacifiste  (1993). Simonne Monet-Chartrand, femme de conviction, de liberté, de justice et de paix s’éteint à 73 ans dans sa maison de Richelieu, face à la rivière qu’elle a tant aimée.

Publication le 8 avril 2023.

collection privée Simonne Monet-Chartrand, avec l’aimable permission des Éditions du remue-ménage
Cette photo provient du premier tome du récit autobiographique « Ma vie comme rivière » (1919-1942), page 258 soit la période où Simone Monet-Chartrand passait ses étés à Belœil. Elle a environ une vingtaine d’années au moment de cette photo.

Références:

Solange Chaput-Rolland (1919-2001)

Rédaction : Louise Langevin, Société d’histoire et de généalogie de Belœil—Mont-Saint-Hilaire

Encore aujourd’hui, cette femme est admirée même par ceux qui divergent de ses positions politiques, car, si elle a milité en vain pour la reconnaissance du statut constitutionnel spécial du Québec au sein du Canada, elle fut avant tout une auteure prolifique (25 livres et plusieurs écrits politiques) et une journaliste passionnée, originale et indépendante d’esprit. Tout en tentant de faire comprendre le Québec au reste du Canada, plaidant pour un statut particulier au sein de la confédération, elle a toujours incité les femmes à s’impliquer en politique.

La famille de Solange compte cinq enfants nés du couple Émile Chaput, riche industriel, et Rosalie Loranger, fille de juge. Elle fréquente les grandes écoles : Couvent d’Outremont, Sorbonne et Institut catholique de Paris. Contre l’avis de son père, Solange choisit la carrière de journaliste et, dès 1940, elle écrit des éditoriaux pour les journaux du Québec. En 1941, elle épouse André Rolland, magnat des pâtes et papiers, et a deux enfants, Suzanne Monange et Claude Rolland.

En 1955, elle fonde Point de vue, mensuel regroupant plusieurs journalistes connus. La publication (1963) d’un recueil de lettres (Dear enemies/Chers ennemis) la fait connaître du Canada anglais. Elle participe à plusieurs émissions d’affaires publiques et, en 1974, alors présidente du Cercle des femmes journalistes, elle crée le prix Judith-Jasmin. Elle siège sur la Commission Pépin-Robarts de 1977 à 1979, mais le fédéralisme asymétrique qu’elle prône y est relégué aux oubliettes par Trudeau.

Élue à l’Assemblée nationale du Québec en 1979, elle plaide pour le NON au référendum de 1980 puis retourne à l’écriture. Sénatrice en 1988 et appuyant l’accord du lac Meech qui échoue, cette fédéraliste croit toujours possible un Québec épanoui au sein du Canada. Sa carrière est jalonnée de reconnaissances : Memorial Award du Media Club en 1972 ; Don Mac Arthur Award et officière de l’Ordre du Canada en 1975 et de l’Ordre national du Québec en 1985 ; doctorat honorifique de l’Université Queen’s en 1983. Retraitée à 75 ans, elle décède sept ans plus tard à l’âge de 82 ans.

Publication le 7 mars 2024.

Sénat du Canada

Références:

Pauline Julien (1928-1998)

Rédaction :

Née à Trois-Rivières en 1928, Pauline Julien est non seulement une artiste accomplie, mais également une femme militante engagée. Celle que l’on surnomme la pasionaria du Québec, débute d’abord sa carrière en France dans les années 1950, où elle chante dans les cabarets. À son retour au Québec, dans les années 1960, elle se produit avec les Gauthier et Léveillé et représente même la Société Radio-Canada au Festival international de la chanson à Sopot en Pologne, où elle interprète Jack Monoloy de Gilles Vigneault. À la fin de cette décennie, son répertoire est composé de ses textes engagées et est mis en musique sur des mélodies provenant de compositeurs québécois.

Parallèlement à sa carrière, Pauline Julien fait de l’indépendance du Québec son cheval de bataille. Refusant de chanter pour la reine Elisabeth II à Charlottetown en 1964, elle fait également partie de ceux arrêtés et emprisonnés lors de la Crise d’Octobre en 1970. Le soir du vote du référendum sur l’indépendance du Québec en 1980, elle n’hésite pas à remonter le moral des troupes en entonnant une chanson de Vigneault. Cette flamme nationaliste est d’ailleurs immortalisée dans le documentaire Québec… un peu… beaucoup… passionnément…, réalisé par Dorothy Todd Henaut, en 1989.

Dans les années suivantes, Pauline Julien continue de jouer au théâtre et chante. Elle s’implique également dans différentes causes, que ce soit auprès des femmes ou lors de mission de coopération internationale. À son décès, en 1998, nombreux sont les témoignages lui rendant hommage. En 2018, le documentaire Pauline Julien, intime et politique, réalisé par Pascale Ferland, lui est consacré et le spectacle La Renarde, sur les traces de Pauline Julien est créé et présenté au Théâtre Maisonneuve la même année.

Publication le 23 mars 2023.

Pauline Julien, 1928-1998, 1963-1998, BAnQ Vieux-Montréal, Fonds La Presse, (06M,P833,S2,D2839), Photographe non identifié.

Références:

Normande Gagnon (1933-2023)

Rédaction :

Née à Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean, en 1933, Normande Gagnon apprend rapidement à vivre avec son handicap. En effet, dès sa vingtaine, où elle rencontre son futur mari, Paul Hébert, acrobate au sein de la troupe Hollywood Daredevils, elle décide de quitter sa région natale pour s’installer à Montréal. Elle choisit le nom d’artiste de Dolly Darcel et débute sa carrière artistique. Comédienne et acrobate, elle forme un duo avec son mari et tous deux se produisent à travers l’Amérique du Nord. Tout en poursuivant sa carrière artistique, elle fait également de la lutte, où elle se lie d’amitié avec Little beaver.

Même si elle considère qu’elle a une belle vie malgré son handicap, elle lutte quand même pour se faire une place dans la société. Elle n’hésite pas alors à se faire la voix des personnes de petite taille et désire sortir ceux-ci de la misère et de l’exploitation. C’est pourquoi, elle fonde, en 1976, en compagnie de Pierre Therrien et Jean-Paul Landry, le Club du petit monde du Québec, aujourd’hui l’Association québécoise des personnes de petite taille (AQPPT). La mission de l’organisme est simple : assurer la promotion et la défense des droits des personnes de petite taille.

Jusqu’à son décès en 2023, Normande Gagnon s’est fait un devoir de défaire les mythes sur les personnes de petite taille en brisant leur isolement.

Publication le 21 mars 2024.

Maison Funéraire Marc Leclerc

Références:

  • Gisèle Fortin et Jean Côté, Dolly : Une poupée dans un monde de grands. Les éditions Québecor, 2010.
  • « Historique », Association Québécoise des personnes de petite taille. aqppt.org/historique/
  • Réal Bouvier, « Dans le p’tit monde la vie est une lutte constante », La Presse, Vol. 85, no. 145, mardi 19 juin 1973, p. B5.
  • Guy Lefebvre, « Les durs ne lui font pas peur », Photo Journal, Vol. 23, no. 29, 31 octobre au 7 novembre 1959, p. 24.
  • Claude-Lyse Gagnon, « De Saint-Félicien aux tournées mondiales : la vie est très belle pour Dolly, 65 lb, 46 pouces », Le Petit Journal, vol. 37, no. 52, p.A59. 

Andrée Ferretti (1935-2022)

Rédaction :

Marie Laurette Andrée Bertrand est née le 6 février 1935 à Montréal, fille de Sylvio Bertrand et de Laura Boucher. Toute jeune, elle est confrontée à l’injustice sociale, mais c’est au milieu des années 1950 qu’elle se joint au mouvement pour l’indépendance du Québec, principalement au contact de l’historien Maurice Séguin, du poète Gaston Miron, de l’écrivain Hubert Aquin et du libraire Febo Ferretti, son futur époux.

Dès 1963, elle joindra le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) et en 1966 elle se portera candidate. Elle sera arrêtée et emprisonnée durant la crise d’octobre. En 1978, elle reçoit le prix Patriote de l’année de la Société Saint-Jean-Baptiste pour sa contribution au projet indépendantiste. Son militantisme l’a porté à se consacrer toute sa vie au projet de pays.

En parallèle elle se consacre à l’écriture. Son engagement indéfectible pour le peuple du Québec , les causes sociales et celle des femmes ont toujours été au cœur de son écriture. Elle publie les ouvrages suivants:

-𝑅𝑒𝑛𝑎𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑒𝑛 𝑃𝑎𝑔𝑎𝑛𝑖𝑒 ( L’Hexagone, 1987)

-𝐵𝑒́𝑛𝑒́𝑑𝑖𝑐𝑡𝑒 𝑠𝑜𝑢𝑠 𝑒𝑛𝑞𝑢𝑒̂𝑡𝑒 (VLB éditeur, 2008)

-𝑂𝑐𝑡𝑜𝑏𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑢𝑚𝑖𝑒̀𝑟𝑒 (nouvelle)/ 𝐿𝑎 𝑣𝑖𝑒 𝑃𝑎𝑟𝑡𝑖𝑠𝑎𝑛𝑒 (L’Hexagone, 1990),

-𝑀𝑜𝑛 𝑑𝑒́𝑠𝑖𝑟 𝑑𝑒 𝑟𝑒́𝑣𝑜𝑙𝑢𝑡𝑖𝑜𝑛 (nouvelle)/ 𝑃𝑢𝑟𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑑𝑢𝑟𝑒𝑠 ( éditions XYZ, 2015)

Elle est récipiendaire de nombreux prix dont le Prix Alphonse-Desjardins en 1993, le Prix Alfred-Desrochers en 2009 ainsi que le Prix Rosaire-Morin en 2013.

Andrée Ferretti est une figure importante dans le paysage québécois pour sa lutte à l’injustice sociale et son engagement, voire son combat pour la liberté et l‘indépendance du Québec. Elle décède le 29 septembre 2022.

Publication le 15 avril 2023.

Références:

Hélène Pedneault, « Andrée Ferretti &#48; une femme libre dans l’ivresse des secousses inventives… », L’Aut’Journal. www.lautjournal.info/articles-mensuels/206/andree-ferretti-0-une-femme-libre-dans-livresse-des-secousses-inventives

Bibiane Courtois (1947- )

Rédaction :

infirmière membre de la communauté ilnu de Mashteuiatsh, militante pour le droit des femmes des Premières Nations et pour la sauvegarde du patrimoine des Pekuakamiulnuatsh (Ilnuatsh du Lac-Saint-Jean)

Dans sa pratique infirmière, Bibiane Courtois collabore au développement d’une approche de soins infirmiers sensibles à la dimension culturelle. Elle s’investit pour humaniser les soins et répondre aux besoins des patients vulnérables. Elle a reçu l’Insigne du mérite 1998, soit la plus haute distinction décernée par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, en reconnaissance de sa contribution au développement de programmes de santé adaptés aux besoins des communautés autochtones.

Parallèlement, lors de son mariage avec un non-Autochtone, la Loi sur les Indiens lui interdit de conserver son statut de femme autochtone. Devant cette injustice, elle s’investit dans la lutte pour le statut des femmes autochtones et sera présidente des Femmes autochtones du Québec. En 1985, le gouvernement modifie la loi et les femmes recouvrent leur statut. 

Le parcours en défense des droits de Bibiane Courtois la mène à devenir commissaire à la Commission des droits de la personne et à siéger au conseil d’administration du Conseil du statut de la femme. 

Attachant une grande importance à la transmission de la culture, elle a été directrice du Musée amérindien de Mashteuiatsh de 2003 à 2007. Son engagement a permis de rapatrier plusieurs artéfacts appartenant aux Pekuakamiulnuatsh qui s’étaient retrouvés disséminés ailleurs en Amérique.

Elle a obtenu un doctorat honoris causa en sciences infirmières de l’Université Laval en 2022 et a aussi reçu en 2023 le Prix Égalité Thérèse-Casgrain, dans la catégorie Hommage.
Le livre Bibiane Courtois. Kanatukuhitshesht : celle qui soigne, écrit par Bernard Roy et publié aux Presses de l’Université Laval, est à paraître à la fin mars 2024.

Collection personnelle de Bibiane Courtois

Publication le 15 mars 2024.

Collection personnelle de Bibiane Courtois

Références:

L’Opération para-pluie (1965)

Rédaction :

Dans les années 1950, plusieurs entreprises expérimentent la fabrication de pluie artificielle afin de protéger les forêts contre les incendies et d’augmenter le débit dans les centrales hydroélectriques. À partir des années 1960, la population se pose des questions sur cette pratique, qui est loin d’être efficace et qui risque d’augmenter les quantités de pluie dans les régions ciblées.

En 1964, la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean connait un été particulièrement pluvieux et, rapidement, l’opinion populaire met la faute sur les machines à pluie. Après de vives critiques, les agriculteurs de la région obtiennent du gouvernement provincial l’interdiction de la fabrication de pluie artificielle aux dates correspondant aux semences, aux récoltes du foin et aux récoltes des grains.

Un groupe de femmes d’Alma, qui se regroupe sous le nom «Le mouvement du beau temps», va quant à lui demander l’interdiction complète et immédiate de cette pratique. Le groupe est composé de Janine Simard, Raymonde Falardeau, Georgette Georgiev, Thérère Krieber, Charlotte Baribeau, Charlotte Côté et Line Tremblay.

Elles jugent que René Lévesque, le ministre des Richesses naturelles, ne se préoccupe que des arguments économiques. Elles veulent faire valoir le point de vue de la santé physique et psychologique, et surtout, celle de leurs enfants. Elles font valoir des avis de scientifiques et de professionnels de la santé sur l’importance d’un été ensoleillé sur la santé. Elles citent des pédiatres qui parlent de l’effet du manque de soleil chez les enfants (maladies des voies respiratoires, rachitisme, maladies de la peau) et de son effet sur la santé mentale. Elles mentionnent aussi qu’aucune recherche scientifique n’a prouvé la non-toxicité de l’iodure d’argent (dont la vapeur est envoyée vers les nuages pour y déloger les cristaux de glace).

Le groupe de mères de famille lance l’Opération para-pluie. Elles font signer une pétition aux femmes de la région et récoltent les noms de 60 718 dames du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Elles obtiennent aussi des appuis de groupes médicaux, de conseils municipaux et d’une foule d’associations et de regroupements.

En mai 1965, elles rencontrent le ministre des Richesses naturelles, René Lévesque, pour leur présenter leur pétition et leurs demandes. Devant la pression populaire, le ministre finira par demander aux compagnies de ne pas reprendre les opérations de fabrication de pluie artificielle pour l’été 1965, ce qui mettra fin à la mobilisation. En 1970, le gouvernement va adopter la Loi sur la provocation artificielle de la pluie pour encadrer cette pratique.

Publication le 5 septembre 2024.

Le groupe de femme se prépare pour sa rencontre avec le ministre Lévesque, le 11 mai 1965. Société d’histoire du Lac-Saint-Jean, F91

Références:

  • Claude Bérubé, L’incroyable histoire des machines à pluie, 2007, Les productions de la Chasse Galerie et l’Office national du film du Canada.
  • Société d’histoire du Lac-Saint-Jean, «Ensemencement des nuages», Dossier F1000,S3,SS4,D3
  • Société d’histoire du Lac-Saint-Jean, «UCC du Saguenay», Fonds F293,D5 

Droit à l’avortement

Rédaction : Marie-Laurence Raby

Le 21 février 1973, les locaux du Centre des femmes de Montréal sont perquisitionnés par le service de police de Montréal. Les forces de l’ordre cherchent des preuves d’une pratique illégale d’avortements, mais – n’en trouvant pas – saisiront plutôt des documents liés aux activités du Centre (dossiers de travail, journaux, etc.). Les militantes féministes sont perquisitionnées une seconde fois, le 25 juin 1975. Ces perquisitions coïncident avec des moments clés de la saga judiciaire du Dr Morgentaler, poursuivit pour avoir pratiqué illégalement des avortements dans sa clinique privée.

Un climat répressif s’installe au Québec entre 1973 et 1976. Les groupes féministes pour l’avortement sont étroitement surveillées. Lors d’un débat le 31 mars 1976, M. Lalonde mentionne ainsi que : «[…] le député de Rouyn-Noranda peut être assuré que le service de police de la CUM en particulier garde à l’œil les activités du monde interlope dans ce domaine [l’avortement] ».

Ce climat force les militantes féministes du Centre des femmes de Montréal, puis du Comité de lutte à réorienter leur service de référence pour avortement – sorte de secrétariat médical qui dirige les femmes vers des médecins acceptant de faire des avortements en dehors du cadre légal. Elles organisent alors des voyages pour avortement à New-York, où l’avortement est légal. En plein cœur de Harlem, une gynécologue reçoit ainsi une dizaine de femmes par semaine, dans des conditions hygiéniques et sécuritaires. Le voyage est toutefois long et ardu : les femmes font l’aller-retour entre Montréal et New-York en 24h. Plusieurs viennent de régions éloignées, comme la Côte-Nord et l’Abitibi, ce qui ajoute aux distances à parcourir. De plus, l’offre est bien loin du suffire à la demande.

L’arrêt des poursuites contre le Dr Morgentaler en 1976 met fin à la répression et aux voyages aux États-Unis par la même occasion.

Publication le 28 septembre 2023.

Fonds du Comité de lutte pour l’avortement libre et gratuit, BAnQ. 

Référence:

Marie-Laurence Raby, « Avortements illégaux et mobilisation politique au début des années 1970 », Cap-aux-Diamants, no145 (2021).

Militantes et porte-paroles des groupes féministes des années 1970 et 1980 pour le droit à l’avortement

Rédaction : Joëlle Thérien pour le comité Mémoire des femmes d’après les propos de Lise Gratton et Louise Desmarais

Au Québec, les premiers groupes à s’impliquer activement pour l’accès à l’avortement libre et gratuit sont le Front de libération des femmes du Québec, le Centre de femmes, le comité de lutte pour l’avortement, la Coordination nationale pour le droit à l’avortement libre et gratuit de même que le Front commun pour l’abrogation des lois sur l’avortement. À cette époque, seuls les avortements thérapeutiques sont permis par la loi, de sorte que les femmes étaient référées ailleurs dans des lieux où elles pourraient se faire avorter en sécurité. « On ne refusait personne! Si la femme n’avait pas d’argent, on trouvait des solutions! » raconte Lise Gratton, militante.

Louise Desmarais indique que : « Dans les années 70-80, toute prise de parole était collective, ce sont les groupes qui sont mis de l’avant et non les militantes individuelles, les porte-parole qui changent souvent. Quand j’ai fait mon livre, j’ai voulu donner un visage à ces femmes, ces héroïnes, les sortir de l’ombre. Aussi pour contrer la mythologie autour de Morgentaler, seule figure reconnue par les médias. »

Si Chantale Daigle a pu être reconnue, en 1989, comme étant la seule à pouvoir décider d’interrompre sa grossesse, c’est parce que le mouvement des femmes au Québec a expliqué, défendu, soutenu cette exigence durant plus de 20 ans! D’ailleurs, le 27 juillet 1989, plus de 10 000 personnes s’étaient réunies au pied du Mont-Royal pour soutenir la cause “Chantale Daigle”. Pour découvrir cet épisode important de la lutte pour le droit à l’avortement au Québec, il est possible de visionner la série 𝘋𝘦́𝘴𝘰𝘣𝘦́𝘳𝘪𝘳: 𝘭𝘦 𝘤𝘩𝘰𝘪𝘹 𝘥𝘦 𝘊𝘩𝘢𝘯𝘵𝘢𝘭𝘦 𝘋𝘢𝘪𝘨𝘭𝘦 présentée sur la plateforme Crave.

Remerciement à Louise Desmarais pour les images

Manifestation de la Coordination nationale en 1978. Photographie de Louise De Grosbois

Publication le 8 mars 2023.

Manifestation à Ottawa en mai 1970. Photographie de Fred Chartrand de la Presse Canadienne.

Référence:

Louise Desmarais, La bataille de l’avortement. Chronique québécoise, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 2016, 548 p.

Affiche pour la Journée internationale pour le droit à l’avortement du 31 mars 1979

Marche du pain et des roses

Rédaction :

La récession qu’a connu le Canada au début des années 1990 affaiblie l’économie et le Québec est durement touché, avec le plus haut taux de chômage au pays, dépassant alors les 13 %. La pauvreté touche 20 % des familles et malheureusement, ce sont les femmes seules et les familles monoparentales ayant une femme comme chef de famille, qui écopent le plus.

En 1994, Françoise David, vice-présidente, puis présidente de la Fédération des femmes du Québec, oriente la mission de l’organisme pour contrer la lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale. Voyant les images de la Marche des Noirs, tenue aux États-Unis en 1963 à la télévision, l’idée lui vient alors qu’une marche pourrait changer les choses.

C’est en mars 1994, que de la Fédération des femmes du Québec forme, avec vingt autres groupes de femmes, la Coalition nationale des femmes contre la pauvreté. Le projet de marche est alors mis en branle et l’organisation se fait rapidement. On espère alors une grande attention médiatique afin de sensibiliser la population à cette cause importante.

La date de départ pour la marche est fixée au 26 mai 1995. Le moment est parfait au point de vue politique, puisque le référendum sur la souveraineté aura lieu quelques mois plus tard.

Pour représenter l’événement, on choisit le nom Marche du pain et des roses, en référence à une grève des travailleuses du textile aux États-Unis, où elles avaient choisi le thème Bread and Roses. En référence à cette grève, les comités du projetchoisissent ce thème et l’adapte à leur cause ; le pain pour la lutte pour de meilleures conditions de vie pour les femmes et les roses pour enfin reconnaître le travail des femmes.

Pendant 10 jours, où sont parcourus plus de 200 km à pied, à raison de 20 km par jour, 850 femmes, partant de Montréal, Longueuil et Rivière-du-Loup, convergent vers Québec, dont la militante Léa Roback, qui a alors 92 ans. La marche se termine à l’Assemblée Nationale, le 4 juin 1995, par un rassemblement réunissant des milliers de personnes.

Avec cette marche, plusieurs revendications sont entendues, dont la création de logements sociaux, la hausse du salaire minimum, la loi sur la perception automatique des pensions alimentaires et l’équité salariale.

Presque trente ans après la Marche du pain et des roses, le combat des femmes n’est pas terminé et les groupes revendiquant les droits des femmes militent toujours tout en prenant exemple sur cet événement qui est maintenant gravé dans la mémoire collective québécoise.

Publication le 11 avril 2024.

Wikipédia

Références:

  • Josiane Lavallée, « Marche du pain et des roses », L’encyclopédie canadienne, 21 mai 2015 (mise à jour 22 mai 2015. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/…/marche-du-pain….
  • S.N. « La marche Du pain et des roses et la relance du mouvement des femmes », Aujourd’hui l’histoire, 26 mai 2021.
Assemblée nationale